Test de dépréciation en période de crise Covid-19 : retour d’expérience sur les pratiques observées

Publications Publié le 7 décembre 2021

Depuis le début de la crise de Covid-19 les groupes composants le SBF120 ont comptabilisé 23 milliards d’euros de dépréciation sur leurs écarts d’acquisition (13 milliards en 2020 et 10 milliards au 30 juin 2021). Cette perte de valeur constatée entre le 30 juin 2020 et le 30 juin 2021 est plus importante que celles constatées au cours des 4 exercices précédents.

La corrélation directe entre la crise et le niveau de dépréciation doit être nuancée, d’autant plus que, dans le cadre de la préparation des arrêtés 2020 et 2021, les institutions et instances professionnelles s’étaient accordées pour conclure que cette pandémie ne représentait pas individuellement un indice de perte de valeur. Parallèlement, ces mêmes organisations professionnelles ont fait part de recommandations sur la mise en œuvre des tests de dépréciation en période de crise.

Avec le recul dont nous disposons aujourd’hui, ces recommandations ont-elles été suivies et, si cela est le cas, avec quelle ampleur ?

De manière générale1, la pratique des tests de dépréciation n’a pas évolué de manière drastique entre le début de la crise de Covid-19 et aujourd’hui. Les communications financières étudiées restent pour beaucoup d’entre elles relativement silencieuses sur les indicateurs de perte de valeur, qu’il s’agisse de leur définition comme de la justification de leur absence, et par voie de conséquence de la non-réalisation de tests de dépréciation.

Dans la lignée du constat précédent, il est également observé peu de détail sur les approches méthodologiques retenues, notamment dans les cas où les émetteurs ont pris en compte les marges de manœuvre disponibles sur les actifs les plus sensibles. La réalisation d’un test de dépréciation simplifié basé sur des données initiales dégradées ou bien la prise en compte de révisions budgétaires complètes ne font par exemple pas l’objet de larges développements. Si l’utilisation de multi-scenario avait été encouragée par les instances, cette pratique n’a été observée qu’un nombre très limité de fois (seul 8% des sociétés de l’échantillon évoquent cette pratique dans la communication financière) au 30 juin 2020 et la moitié d’entre elles n’ont pas poursuivi cette méthode au 31 décembre 2020.

Par ailleurs, même si 25% des sociétés de la population étudiée ne donne pas d’indication précise sur l’horizon des prévisions de trésorerie utilisé dans les tests de dépréciation, une très large majorité d’entre elles ont pris le parti de préserver cet horizon en la couplant avec une extrapolation des flux permettant d’aboutir à un flux normatif. Cette situation est d’autant plus importante que, dans l’ensemble, la date anticipée de retour à une situation pré-Covid-19 est plus proche que l’horizon du plan de trésorerie servant de base au test de dépréciation. Ainsi, le flux normatif projeté à l’infini est dégagé des contingences à courts termes de la crise.

Sur un plan moins opérationnel et plus technique, les données paramétriques ont, elles aussi, connu relativement peu de variations au cours de la période récente. Les taux d’actualisation moyens utilisés au 31 décembre 2020 ne sont que très légèrement supérieurs aux taux employés un an plus tôt (8.8% contre 8.6% respectivement). Très peu d’émetteurs ont par ailleurs pris le parti d’incorporer à ces taux d’actualisation une prime Covid-19 venant détériorer la valeur et lorsqu’ils l’ont fait cela répondait souvent à des problématiques spécifiques. Les taux de croissance projetés à l’infini sont également restés inchangés puisqu’ils se sont établis en moyenne à 1.9% au 31 décembre 2020 comme au 31 décembre 2019 et ont légèrement baissé à 1.8% au 30 juin 2021.

Alors qu’il ressort de la discussion ci-dessus que la part de la valeur terminale s’est accrue dans la valeur d’utilité issue des tests de dépréciation, il est intéressant de garder à l’esprit que des prévisions de trésorerie établie sur 5 ans, projetées à l’infini avec un taux de croissance de 1.9% et actualisées à un taux de 8.8% (c’est-à-dire les données moyennes observées au niveau du SBF 120) correspondent en réalité à plus de 35 années de flux de trésorerie annuels. Les tests de dépréciation des émetteurs du SBF 120 considèrent donc des niveaux de valorisation nécessitant de préserver les modèles d’affaires et niveaux de rentabilité actuels entre 2027 et 2061, c’est-à-dire 11 ans après l’horizon visé par la COP 21 ou la plus récente COP26.

A l’heure où de plus en plus de régulateurs, d’investisseurs ou de lobbys attendent de la cohérence entre les comptes des entreprises et les engagements climatiques pris par celles-ci, la pratique des tests de dépréciation devrait être impactée et de nouvelles pertes de valeur pourraient être constatées.

 

1 – les données et analyses présentées dans cet article sont issues d’une étude réalisée par Advolis Orfis dans le cadre d’une conférence préparée pour IMA France. Cette étude portait sur un échantillon de sociétés du SBF 120, hors notamment les secteurs banque et assurance.

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