Nouvelle vague de Covid, nouvelle vague de dépréciations ?

Publications Publié le 12 novembre 2020

Les comptes des sociétés ont enregistré des niveaux de dépréciation élevés au premier semestre 2020. Les incertitudes ont-elles diminué pour la préparation des comptes au 31 décembre 2020 ? Voici quelques indications des sujets de discussion entre les sociétés et les évaluateurs, sous l’égide des recommandations de l’AMF.

 Les comptes du premier semestre 2020 n’ont pas épuisé le sujet des dépréciations

Comme le soulignaient les premières études sur les niveaux de dépréciations enregistrés dans les comptes des grands groupes cotés au premier semestre 2020[1], les dépréciations d’écart d’acquisition ont été multipliées par plus de 3 par rapport à l’année précédente. En marge de sa présentation à l’IMA de ses recommandations pour l’arrêté des comptes, l’AMF a indiqué que plus de la moitié des sociétés du CAC 40 et du Next 20, hors institutions financières, ont déprécié des écarts d’acquisition ou d’autres catégories d’actifs. 

Plusieurs facteurs ont cependant pu conduire des groupes à ne pas comptabiliser de dépréciation (à l’exclusion, bien entendu, des rares groupes dont l’activité bénéficie de la crise sanitaire) : existence de marge de manœuvre significative à la clôture du 31 décembre 2019, saisonnalité des activités, prédominance de scénarios privilégiant des impacts limités de la crise sanitaire avec un retour à la normale dès 2021, manque de visibilité sur les effets de la reprise post-confinement… dans le contexte où la norme IAS 36 rend définitive toute dépréciation d’écart d’acquisition.

 Les mesures d’impact ont tendance à augmenter 

Si l’incertitude dominait au cours de la préparation des comptes semestriels, le déroulement de la crise sanitaire et économique apport des éléments nouveaux sur les perturbations de la fin de l’année 2020 et sans doute d’une grande partie de l’année 2021. Force est de constater que la reprise épidémique a pris de court la plupart des anticipations. L’annonce des progrès réalisés dans l’élaboration d’un vaccin contre le virus, par le laboratoire Pfizer le 9 novembre dernier, qui a eu un impact global majeur sur les marchés boursiers, s’est aussi accompagnée du rappel que les campagnes de vaccination pendront du temps. Ainsi, pour la clôture des comptes du 31 décembre, les sociétés devront préparer les tests de dépréciations en éludant aucun des points suivants :

  • la référence aux travaux de l’année précédente, voire du 30 juin 2020, peut s’avérer dépassée ;
  • les données prévisionnelles doivent intégrer un déroulement actif de la pandémie pendant tout ou partie de l’exercice 2021 ;
  • les hypothèses à moyen et long terme doivent être cohérentes avec l’évolution attendue du marché. Ce point, de loin le plus impactant sur les valeurs, signifie que l’allongement de l’horizon d’une sortie de crise sanitaire impose de s’interroger sur la modélisation des plans d’affaires, au-delà du simple décalage des flux des versions antérieures. 

Dans son étude précitée sur les comptes semestriels, l’AMF a signalé que seulement 10% des sociétés ont donné des précisions sur leur anticipation de retour à la normale. Les attentes du marché pour une communication plus explicite au 31 décembre sont fortes et légitimes. La cohérence de l’élaboration des données prévisionnelles sera un élément déterminant du processus d’arrêté des comptes. Il est recommandé que ces données, au-delà du budget 2021, fassent l’objet d’une validation aux différents niveaux de la gouvernance.

 La pratique de tests de dépréciation s’adapte

Des adaptations ou des points d’attention émergent dans la pratique des évaluateurs. La détermination du taux d’actualisation ne tient pas compte de la crise sanitaire. Il s’applique, en effet, à l’ensemble des données prévisionnelles ainsi qu’à la valeur terminale dans le modèle DCF : il ne serait par pertinent d’appliquer une « prime Covid » sans limitation dans le temps. 

L’allongement des impacts en 2021 peut avoir des effets en chaîne sur les prévisions des exercices suivants (y compris la dégradation de l’environnement économique et social), et dépasser les horizons habituels de projection. La prolongation des plans d’affaires permet notamment de conserver des profils de rentabilité à long terme qui ne sont pas (moins) impactés par la crise.

Si l’incertitude a en partie – ou légèrement – diminué par rapport à la préparation des comptes semestriels, elle reste à un niveau inédit, en particulier dans les secteurs les plus touchés. 16% des sociétés du panel de l’AMF ont eu recours à la méthode des multi-scénario au 30 juin 2020. Cette approche pourrait se développer pour la clôture des comptes. Enfin, la communication financière sur la sensibilité des résultats obtenus sera souvent renforcée.

Pour conclure, la conduite des tests de dépréciations au 31 décembre 2020, dans un contexte de crise, repose également la question de pouvoir prendre en compte des mesures de restructuration dans les projections : c e sujet, porté par l’EFRAG, fait partie du projet de l’IASB (Discussion Paper publié en mars 2020) dont les commentaires sont attenus jusqu’à la fin de l’année…

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