Les critères ESG, nouvelle frontière de l’évaluation

Publications Publié le 14 juin 2021

CC JJ La crise pandémique Covid-19 agit comme un accélérateur. Deux publications récentes de l’IVSC[1] ouvrent le champs à des évolutions majeurs dans la pratique des évaluateurs par la prise en compte des critères ESG dans la création de valeur. Ces travaux doivent être mis en parallèle avec la pratique IFRS des allocations de valeur, de tests de dépréciation et de reconnaissance des actifs incorporels.

Le contexte de crise a pour conséquence de décaler la valeur sur le long terme, or cet horizon est celui où les critères ESG s’avèrent déterminants pour justifier de la soutenabilité des projets, le maintien des marges, voire leur augmentation.

 La prise en compte du long terme dans les tests de dépréciation

Début juin 2021, les indices boursiers ont retrouvé leurs niveaux les plus élevés, les taux d’intérêt restent très bas et les multiples de valorisation continuent d’augmenter. Ces facteurs ont pour effet mécanique de diminuer les taux d’actualisation. Dans un modèle DCF, la baisse du taux d’actualisation augmente le poids relatif des flux de trésorerie à long terme.

Au même moment, la durée persistante de la crise sanitaire a conduit, selon une étude récente[2], 20 secteurs sur 24 à décaler de 2022 à 2024 l’horizon de leurs projections, et encore, à des niveaux inférieurs à la situation pré-Covid. La valeur d’une activité est ainsi décalée d’autant vers les flux éloignés dans le temps.

Dans un modèle DCF, le paramètre du taux de croissance à l’infini, souvent aligné sur un taux de croissance moyen de l’économie, est de plus en plus questionné pour s’assurer de la prise en compte de la spécificité sectorielle, de situations particulières de décroissance, ou d’impacts environnementaux (cohérence de la croissance d’activité des énergies polluantes dans le contexte des objectifs de la COP21, etc.). Ces réflexions sont l’amorce d’une évolution plus profonde de la pratique des évaluateurs.

 L’ESG, au cœur de la création de valeur

La prise en compte des critères ESG s’est largement déployée chez les investisseurs, confortés par les études académiques et les observations sur la surperformance des fonds développement durable[3]. De même, la communication extra-financière s’est enrichie d’indicateurs ESG utilisés par un nombre toujours plus grand d’entreprises.

Jusqu’à ce jour, les évaluateurs n’ont pas fait évoluer leurs méthodes, convaincus notamment par le fait que les flux de trésorerie futurs donnent une vision synthétique de la réalité d’une entreprise, qu’elle mette en œuvre ou pas une politique d’amélioration des critères ESG.

Mais le rôle des évaluateurs dans le processus d’allocation efficace du capital n’est-il pas de refléter les considérations des investisseurs ?

C’est pourquoi la réflexion lancée par l’IVSC incite à faire bouger la pratique des évaluateurs et d’influer également sur les travaux engagés par la fondation IFRS sur le développement d’un référentiel ESG et leur intégration dans une communication financière élargie. Les pistes sont multiples et sérieuses.

Sur les méthodes d’évaluation :

  • Intégration des critères ESG dans la sélection des sociétés comparables ;
  • Analyse de l’horizon long terme des plans d’affaires fondée sur une analyse des risques et donc des politiques ESG ;
  • Evolution de la pratique sur les primes de risque spécifiques appliquées dans la détermination des taux d’actualisation pour éviter de prendre en compte deux fois les mêmes effets ;
  • Appréciation du taux de croissance à l’infini et de la valeur terminale sur la base de travaux approfondis en lien avec la situation ESG propre à chaque entreprise par rapport à son secteur.

Sur les actifs incorporels :

  • Mise en évidence d’une matrice sectorielle illustrant le poids relatif de chacun des facteurs ESG dans la création de valeur ;
  • Mise en relation de chaque critère ESG avec des actifs incorporels identifiés (marque, capital humain, relation clientèle, technologie) et leurs interactions ;
  • Pistes pour une considération de l’investissement en capital humain, à inscrire au bilan, au lieu de la perception d’une ligne de dépenses associée à un simple objectif de réduction.

Bien que les travaux entrepris par l’IVSC soient prospectifs, le contexte est favorable à des évolutions rapides et sensibles. Les évaluateurs participeraient ainsi à l’enrichissement de l’analyse à long terme des plans d’affaires et à l’émergence d’une meilleure perception des actifs incorporels. Les conséquences sur la pratique des IFRS toucheraient notamment l’allocation de valeur dans les opérations de regroupement d’entreprise et de nouvelles approches de revue critique, dans les tests de dépréciation, des projections à long terme. A suivre donc !

[1] «Perspectives Paper : ESG and Business Valuation », IVSC - 2 mars 2021 
« A framework to Assess ESG Value Creation », IVSC 
[2] Etude BDO « VBA Forecast Engine Industry Impact »
[3] Par exemple : « ESG Fund Performance 2020 », Morningstar, cité par l'IVSC

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