Comptes semestriels 2020 : quelles orientations se dégagent pour présenter les conséquences de la crise Covid-19 ?

Publications Publié le 13 juillet 2020

Il n’échappe à personne que les comptes semestriels 2020, les rapports d’activité et les communiqués qui les accompagneront, seront les premiers à présenter, à grande échelle, les conséquences de la crise Covid-19. La difficulté est de donner de la visibilité sur un événement encore récent, en composant avec des incertitudes toujours présentes, sans s’exposer à être contredit dès la clôture des comptes annuels de décembre 2020.

Plusieurs positions / recommandations ont été formulées par le régulateur (AMF et ESMA), le normalisateur (ANC) et les auditeurs (CNCC), des représentants d’entreprises, etc. Un pragmatisme certain se dégage de ces positions, ainsi que des lignes forces. Pour les entreprises dont la continuité d’exploitation n’est pas remise en cause, les informations à communiquer feront largement appel au jugement.

La vision stratégique sera-t-elle cohérente avec celle du secteur ? 

Le rapport d’activité devrait être le support privilégié pour les analyses stratégiques de la gouvernance. Les attentes du marché portent sur l’exposition des impacts de la crise sur le modèle économique de l’entreprise et les hypothèses structurantes retenues comme l’horizon de retour à une activité normale ou les indications d’évolution stratégique à moyen terme, y compris en soulignant les incertitudes actuelles.

Au-delà de différences sectorielles évidentes, chaque groupe, selon sa culture, peut avoir une appréciation qui lui est propre, marquée par un optimisme ou un pessimiste argumenté. Mais la perspective d’apparaître en décalage avec le secteur doit conduire les préparateurs des comptes à anticiper et saisir les opportunités d’échange, au sein des organisations professionnelles, avec l’AMF qui a réaffirmé sa grande disponibilité pour répondre aux interrogations des émetteurs, et, enfin, avec les commissaires aux comptes qui bénéficient d’une vision élargie des réflexions en cours.

Comment évoquer les conséquences diffuses de la crise ? 

Les premières analyses des groupes sur les conséquences de la crise mettent en évidence la difficulté d’une vision univoque des impacts : une baisse de chiffre d’affaires ? Pas forcément sur tous les segments de marché. Pas forcément une perte sèche, mais des effets de décalage. Un résultat non courant ? Pour des coûts de sous-activité ou une hausse de coûts d’approvisionnement qui n’ont jamais été classés de la sorte ? Et que faire de l’impact sur les rémunérations variables des dirigeants et des salariés ? Prudemment, les entreprises s’orientent vers la présentation d’impacts ciblés, dans une note dédiée de l’annexe des comptes, suivant les recommandations de l’AMF.

Le caractère diffus des conséquences du Covid-19 justifie une présentation narrative préalable aux impacts chiffrés ciblés. L’information narrative, à équilibrer entre le rapport de gestion et l’annexe des comptes, permet d’exposer la nature des événements subis (fermetures de site, recul d’activité, tensions de trésorerie, etc.) et des mesures prises (sanitaires, organisationnelles, financières, recours aux aides gouvernementales). Des précisions par activité et par zones géographiques seront utiles pour faire état de la variété des situations rencontrées.

Il apparaît aussi particulièrement utile et pédagogique d’indiquer l’absence de conséquences lorsque cela apporte des éléments de compréhension sur la situation de liquidité, de solvabilité et de la performance : par exemple, l’absence d’arrêt d’activité, de décalage significatif des délais de règlement clients, la non-sollicitation d’aides gouvernementales, etc.

Quels sont les impacts ciblés à privilégier ?

Les impacts chiffrés seront accompagnés de précautions sur leur portée et de précisions sur les éléments de référence pris en compte. L’objectif ne vise à refléter les conséquences de la crise mais d’en indiquer les principaux impacts sur les revenus et les coûts, de façon discrétionnaire. La collecte de ces informations, qui a débuté au sein des groupes pour en garantir l’harmonisation, laisse toujours la place à des commentaires circonstanciés. Ces informations peuvent se regrouper en deux sous-ensembles, sans qu’il soit encore possible de savoir lesquelles seront privilégiées dans les communications à venir :

  • Informations liées au jugement : révision des plans d’affaires, pertes de valeurs sur actifs, actifs d’impôt différé, pertinence des calculs de sensibilité, …
  • Données de transactions / évènements : arrêts/réduction d’activité, aides gouvernementales, modification de contrats, décalage de remboursement et renégociation de dettes, …

 Les informations sur la solvabilité et la liquidité doivent-elles être systématiquement renforcées ? 

Oui. Les tensions sur les équilibres financiers et le risque de crédit matérialisent un des risques majeurs à court terme de la crise Covid-19. Les informations sur le niveau de la trésorerie, les évolutions du risque de crédit clients, fournisseurs, sur les raisons de l’évolution de l’endettement financier et le suivi des convenants devraient éclairer, et le cas échéant alerter, sur la solidité financière.

Les communiqués seront à ce titre adaptés pour rappeler la situation de trésorerie à date au regard des besoins financement attendus.

 Les perspectives de fin d’année doivent-elles inclure des objectifs chiffrés ? 

L’AMF a rappelé qu’il n’existe pas de contrainte liée au Covid-19 de présenter des objectifs de fin d’année dans ce contexte d’incertitude. Lorsque des objectifs sont présentés, des précisions utiles seront apportées sur les hypothèses retenues : recours à des scénarios multiples de prévisions, description des éléments clés d’incertitude (risque de défaillance de clients ou de fournisseurs, survenance d’une nouvelle vague de contamination, évolution du marché, etc.)

En conclusion, la préparation de la communication financière semestrielle, dans le contexte inédit du Covid-19, intègre à la fois des estimations sensibles à une contrainte de cohérence qui légitime l’implication forte de la gouvernance.

 

Les auteurs

Nous contacter